En Chine, un salon dédié au manga bannit toute référence au Japon
Alors que la culture manga fête son succès mondial, un phénomène étonnant se déroule en Chine, où le 32e Comicup (CP) – salon majeur dédié à la bande dessinée et à la culture manga – adopte une approche radicale : bannir toute référence au Japon. Cette décision, prise la veille de l’événement prévu les 27 et 28 décembre à Hangzhou, reflète l’influence croissante des enjeux politiques sur la culture populaire. Le comité d’organisation invite ainsi exposants et visiteurs à s’orienter vers un « nouveau style chinois », en effaçant délibérément les liens avec le pays d’origine du manga. Une démarche qui suscite interrogations, notamment au regard des relations sino-japonaises tendues et d’une censure culturelle palpable depuis plusieurs années. Cette interruption symbolique illustre les tensions existantes entre identité nationale et échanges culturels transnationaux.
Sommaire
Comment la censure transforme l’expĂ©rience d’un salon manga en Chine
Pour les fans et professionnels présents au Comicup 2025, cette interdiction est un véritable choc. L’annonce d’une « réorientation » vers une culture manga d’inspiration exclusivement chinoise, communiquée discrètement par e-mail, contraint à annuler plusieurs stands mettant en avant des animes japonais classiques issus des studios Bones, MAPPA ou Wit. Le communiqué, qui ne nomme jamais directement le pays nippon, laisse entendre amplement la raison par le retrait brutal de ces contenus. Pourtant, les produits issus d’Europe ou d’Amérique du Nord sont laissés intacts, soulignant que le problème est bien plus politique qu’artistique. Cette situation illustre combien la culture manga, fruit d’un art narratif et visuel japonais, est aujourd’hui reconfigurée sous l’influence de la politique et des tensions géopolitiques entre Chine et Japon.
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Les enjeux narratifs et éditoriaux d’un manga sans référence japonaise
Cette exclusion a de forts impacts sur la diversité des narrations accessibles aux visiteurs. En effet, le manga s’appuie sur des structures narratives précises comme les arcs (groupes de chapitres formant une intrigue continue), les rythmes de prépublication dans des magazines comme Jump ou Sunday, et une mise en scène enrichie d’onomatopées caractéristiques et de cadrages dynamiques propres au shōnen ou seinen. Sans la possibilité d’aborder l’origine culturelle du manga ni de présenter des œuvres japonaises emblématiques, le salon voit son spectre narratif et esthétique limité. Cette rupture pose la question de l’authenticité et de la richesse du « manga chinois » proposé dans cet événement, dont la définition même reste floue, malgré un intérêt croissant pour des créations locales issues de ce qu’on appelle le « manhua ».
Comparaison avec d’autres salons manga et leurs approches culturelles
Contrairement au Comicup, des salons comme la Manga Pop Alençon ou la Japan Expo en France accueillent fièrement des œuvres japonaises, des cosplayers et des exposants culturels originaires de l’archipel. Là -bas, l’importance d’une présentation fidèle des mangas, avec une attention portée aux éditions tankōbon, aux traductions précises, et à la coexistence du manga papier et de son adaptation animée (anime), est valorisée dans le respect des droits d’auteur. En Chine, l’approche restrictive illustre un scénario inverse, où la dimension culturelle ancestrale japonaise est délibérément évacuée pour des raisons liées à l’identité nationale. Ce choix rappelle les tensions que connaissent les relations sino-japonaises, notamment dans la sphère culturelle et mémorielle.
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Conséquences pour les amateurs et les collectionneurs dans un marché en évolution
Pour les adeptes de manga, cette politique restreinte complexifie l’accès légal à des séries japonaises cultes, renforçant le recours au marché via des scans non officiels ou à des moyens alternatifs pour découvrir des titres en simulpub (publication simultanée des chapitres en ligne). Cette situation amplifie par exemple la curiosité autour de mangas récents comme ceux présentés sur des plateformes légales japonaises, où l’attention se porte sur la fidélité de traduction et la qualité de l’adaptation, que ce soit en version papier ou anime, comme discuté dans les analyses d’œuvres telles que Mr Clice ou les recommandations pour mangas incontournables. En parallèle, des initiatives locales encouragent la création de bandes dessinées chinoises modernes offrant une alternative, confortant un échange culturel en mutation.
Explorer le « nouveau style chinois » : une nouvelle ère pour la bande dessinée asiatique ?
Le concept de « nouveau style chinois », emprunté à la mode et désormais transposé en sphère culturelle, se traduit dans ce salon par une mise en avant de thématiques et d’esthétiques ancrées dans les traditions et tendances nationales. Cette réorientation souhaite faire émerger des récits qui valorisent le worldbuilding chinois, avec ses héros, mythes et enjeux sociaux particuliers. Pourtant, le défi reste de taille face au panthéon établi du manga japonais, dont les mangaka comme Eiichiro Oda avec One Piece ou les studios Kaze et Crunchyroll qui diffusent des œuvres majeures, ont forgé un imaginaire mondial.
Conseils pour découvrir des œuvres chinoises tout en respectant la richesse manga
Pour qui souhaite s’ouvrir à cette nouvelle tendance tout en conservant un pied dans la culture manga japonaise, il est conseillé de s’intéresser aux titres manhua émergents, souvent publiés en ligne ou sous forme de volumes reliés (tankōbon) adaptés aux attentes des collectionneurs. Ces œuvres proposent des styles narratifs différents mais inspirés, tout en bénéficiant de traductions soignées. Explorer ces nouveautés peut être complété par des ressources comme les articles sur les mangas post-apocalyptiques ou les découvertes graphiques récentes, idéales pour enrichir sa bibliothèque en toute légalité.
Ce choix insolite d’exclure toute référence au Japon dans un salon manga en Chine interroge ainsi sur la liberté créative, les enjeux de la censure et l’évolution du paysage culturel asiatique dans les années à venir. Cette situation invite à réfléchir sur l’équilibre entre préservation d’une identité nationale forte et ouverture à la culture globale.